Tribus, ethnies et pouvoir
en Mauritanie
Philippe
Marchesin
Traduction en
arabe par Mohamed Ould Bouleïba
Nouakchott,
éditions Joussour, 2013
Soutenu
par l'Université de Nouakchott
et le Service de Coopération et d'Action Culturelle de l'Ambassade de France en Mauritanie
et le Service de Coopération et d'Action Culturelle de l'Ambassade de France en Mauritanie
Après la traduction des
textes des explorateurs : Mage, Doulse et Vincent, et Voyage à
l’intérieur de l’Afrique de Mongo Park, Pierre Bonte, l’Emirat
de l’Adrar, de l’ouvrage de F. de Chassey la Mauritanie 1900 – 1975 »,
vient le livre de Philippe Marchesin Tribus, Ethnies et Pouvoir en
Mauritanie (janvier 2014).
Son tirage a bénéficié du soutien du
Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en
Mauritanie, l’Université de Nouakchott, et la CNAM dans le cadre du projet
initié par Pierre Bonte et Mohamed Ould Bouleiba en 2009 sur «
L’islamisation et arabisation de l’ouest-saharien, anthropologie, littérature
et histoire les récits d’origine ».
Présentation de
l’auteur :
Philippe Marchesin, né le 11 juillet
1956, est un géopoliticien français. Maître de conférences au département de
Science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il est docteur en
droit de l'Université de Nice Sophia-Antipolis et docteur d'État en science
politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Philippe Marchesin est un spécialiste
des relations Nord-Sud, tout particulièrement des questions de coopération et
de développement. L'originalité de son approche est de mêler réflexion
théorique et longs séjours de terrain. Il a ainsi enseigné pendant une dizaine
d'années en Mauritanie (ENA et faculté de droit de Nouakchott), Turquie
(Université de Galatasaray) et Biélorussie (faculté franco-biélorusse de
science politique).
Ses travaux les plus marquants ont
porté sur la sécurité alimentaire, le fait tribal en Mauritanie, la coopération
française, la Biélorussie et les relations Nord-Sud. Il a été membre du comité
directeur du GEMDEV (Groupement pour l'étude de la mondialisation et du
développement), président de l'Observatoire permanent de la coopération
française, directeur du diplôme d'études supérieures spécialisées Développement
et coopération à l'université de Paris 1, responsable de l'option science
politique du diplôme d'études approfondies Études africaines à l'université de
Paris 1 et co-doyen de la faculté franco-biélorusse de science politique.
Philippe Marchesin s'efforce actuellement de poursuivre son travail d'analyse
des relations Nord-Sud tout en posant les jalons d'une étude comparative du
développement qui s'appuie sur l'observation d'aires culturelles différentes.
(page Wikipédia de l’auteur)
Le choix des trois auteurs
universitaires concernés se justifie d’abord par les citations de leurs travaux
dans la littérature scientifique concernant la Mauritanie. La référence à
ces ouvrages s’explique, par la synthèse qu’ils présentent, dans des disciplines
diverses et s’agissant de périodes différentes, des données concernant
l’ensemble de la Mauritanie ou d’une partie significative des recherches
concernant ce pays. L’intérêt de la traduction de ces ouvrages réside donc
d’abord dans la complétude des informations qu’iles sont susceptibles de
fournir sur les recherches en sciences humaines et sociales aux chercheurs
mauritaniens arabophones et aux étudiants intéressés par les recherches sur
leur pays et soucieux de contribuer à leur développement.
Le choix de ces trois auteurs se
justifie aussi par la diversité des travaux qu’ils ont menés. Ils
illustrent trois approches disciplinaires différentes quoique complémentaires.
Pierre Bonte est un anthropologue
qui a consacré de longues études aux structures sociales et politiques héritées
de la période précoloniale et coloniale. Son travail sur l’émirat de l’Adrar se
situe au confluent de l’anthropologie et de l’histoire et, tout en ayant une
forme monographique, aborde la plupart des grandes questions intéressant la
société Bidhân, dans ses héritages et ses mutations présentes.
Francis de Chassey est un sociologue
qui s’intéresse au système éducatif et à la formation des « élites » dans la
Mauritanie de la décennie suivant l’indépendance. Son ouvrage dresse un tableau
d’ensemble des travaux sociologiques, encore réduits il est vrai, en cette
période suivant immédiatement l’indépendance, et il porte un regard nouveau sur
un pays qui n’était connu que par les travaux, eux aussi réduits, publiés
durant la période coloniale.
Philippe Marchesin est un
politologue qui développe la première synthèse concernant la vie politique
mauritanienne après l’indépendance. Celle-ci n’est plus appréciée du simple
point de vue des institutions ou de l’histoire politique, mais dans son
inscription dans la société, en pleine mutation, issue de l’indépendance. Le
poids des structures « traditionnelles » est considéré dans la perspective de
l’ordre politique moderne et des difficiles fondations d’une unité nationale.
Recherches de
terrain
Ces trois ouvrages ont en commun de
s’appuyer sur des recherches de terrain approfondies qui illustrent par
ailleurs les problématiques, épistémologiques et méthodologiques, de
quelques-unes des disciplines principales des sciences humaines et sociales,
sans perdre de vue la perspective pluridisciplinaire qui reste l’objectif
globalisant des recherches en ce domaine.
Une part importante de la
littérature dans le domaine des sciences sociales et humaines a été publié en
français – dans une moindre mesure en anglais – par des auteurs étrangers qui
ont, depuis l’indépendance, consacré de longues recherches à la Mauritanie et
contribué à la définition des problématiques scientifiques dans les domaines
les plus divers. L’enseignement qui, dans ce pays, est pratiqué de plus en plus
prioritairement en arabe, y compris à l’université, rend difficile l’accès des
chercheurs nationaux à des travaux qui ont pourtant fortement concouru à
l’élaboration des paradigmes sur lesquels s’appuient pour une part leurs propres
recherches. De manière plus générale, les outils éditoriaux manquent encore en
langue arabe qui leur facilite l’usage des concepts et des méthodes dans les
disciplines des sciences sociales et humaines. Ce constat est à l’origine du
projet de traduction d’ouvrages en français, portant sur la Mauritanie, qui
favoriserait cette accessibilité linguistique et le développement des
recherches nationales en ces domaines.
Mohamed Bouleiba, critique
littéraire mauritanien
La traduction de ces ouvrages écrits
par d’éminents universitaires et chercheurs français ayant vécu longtemps
parmi nous et, surtout, ayant exploré un immense trésor de documentation
d’origines et d’approches variées a le mérite de mettre à la porté
du lecteur arabophone mauritanien des études aussi riches que
variées sur son pays. Ecrits par des étrangers, sous forme d’études
et de recherches sur la société mauritanienne, ces livres ont
l’avantage aussi de briser certains tabous souvent embarrassant pour les
chercheurs et les écrivains mauritaniens.
Malgré l’effort louable, le niveau des analyses, la richesse de la
documentation, certaines lacunes peuvent paraitre ça et là pour un
lecteur averti, doté d’un esprit critique, d’une connaissance de la
société et de son histoire. Cela nous donne, nous mauritaniens,
l’occasion et l’impulsion pour réécrire notre histoire et étudier notre
société. La publication de ces traductions et éventuellement d’autres en
perspective, s’inscrit dans le cadre d’un projet qui vise, entre autres objectifs,
de doter nos chercheurs arabophones d’une documentation de référence. La
traduction du livre de Marchesin « tribus ethnies et pouvoir en
Mauritanie» est d’une importance capitale car, « un rapide
survol de la bibliographie révèle la carence d’approches synthétiques sur les
phénomènes du pouvoir en Mauritanie jusqu’au début des années
soixante-dix ».
Présentation
des livres
Reparti sur onze chapitres et
divisé en trois parties le livre de Philippe Marchesin retrace
l’histoire politique de la Mauritanie en analysant les rapports entre tribus,
ethnie et pouvoir. La première partie est intitulée société et pouvoirs
traditionnels et comporte trois chapitres. Dans cette partie, l’auteur
présente les sociétés traditionnelles maure et négro-africaine dans le
but de jeter la lumière sur les racines de la société et de l’Etat
mauritanien. Il consacre le premier chapitre à l’étude de l’ensemble
maure, son histoire, l’influence de l’environnement et ses conséquences
économico-sociales, la stratification sociale et le pouvoir politique, l’islam
comme fondement des valeurs sociales.
Dans le deuxième chapitre consacré
au « pays des noirs » il est question des données économiques, de la
stratification sociale, du pouvoir politique et de l’islam et de l’impact
de la colonisation. Quant au troisième chapitre, il est axé sur une comparaison
entre les sociétés traditionnelles maure et negro- africaine, une comparaison
qui fait ressortir les traits communs mais aussi les différences, les rivalités
et la complémentarité.
La deuxième partie du livre est
intitulée la genèse de l’Etat, un Etat à polarisation variable. Dans
cette partie il est question des élections de 1946, des élections de 1951, de
la création de l’Etat (1956 -1961) , des menaces extérieures : le projet
de l’OCRS, le « grand Maroc », le régime de Moctar Ould Dadah, du
processus de concentration du pouvoir, le conflit sur la forme de l’Etat, le
parti Etat, la primauté du parti sur l’Etat, la tension ethnique et la
liquidation de « la tentative de l’Etat national, le conflit social et sa
récupération, de la guerre du Sahara et ses conséquences, de l’effritement des
soutiens de Moctar et le coups d’état du 10 juillet 1978.
A partir de 1978, « coups
d’Etat, révolutions de palais, tentatives de putsch se succèdent à un rythme
élevé ». C’est une période d’instabilité politique, « quelques
années suffisent aux militaires mauritaniens pour établir un des plus fameux
records d’instabilité de l’histoire mouvementée des régimes politiques africains
contemporains » : Moustapha Ould Mohamed Salek, Ahmed Ould
Bouceif, Mohamed Khona Ould Haidala, Maaouya Ould Taya. En plus de cette
instabilité, cette période a connu un regain du fait tribal. « A dire
vrai, le tribalisme étant une donnée permanente de la vie politique
mauritanienne, il s’agit plus de l’accentuation de certaines pratiques tribales
depuis 1978 que de la soudaine résurgence de comportement de type traditionnel.
Le fait tribal a toujours existé sous le régime de Moctar Ould Dadah mais ses
manifestations étaient relativement discrètes. »
Le dernier chapitre de cette
deuxième partie est consacré à la nature de l’Etat. Ici, l’auteur
s’attache à établir la prépondérance et l’actualité du fait
tribal dans la vie politique mauritanienne en s’appuyant sur les données
statistiques.
Dans la troisième partie
intitulée « positions de pouvoir », P. Marchesin consacre
le chapitre aux acteurs de la domination dans lequel il parle de la
bureaucratie, les milieux d’affaires, de la nature de « la classe dominante
» et des scenarios de la recherche hégémonique. Le deuxième chapitre de cette
partie est consacré aux modes d’exercices de la domination où il est
question de la coercition, des biens symboliques ou la légitimité, des biens et
services matériels. Le troisième chapitre de cette partie brosse un
tableau des groupes et mouvements politiques que la Mauritanie a connus depuis
son ouverture sur la vie politique moderne jusqu’au milieu des années 90.
Quant au dernier chapitre, il est
consacré aux modes populaires d’action politiques qui traduisent « la
revanche » de la société sur l’Etat à travers les mouvements de
contestation. Dans ce chapitre, l’auteur analyse aussi les tactiques populaires
avant de passer à la conclusion. « L e premier élément de conclusion qui
s’en dégage a trait, outre l’importance plus que jamais cruciale du
facteur ethnique, à la « réhabilitation du fait tribal ».
Philippe Marchesin est un
spécialiste des relations Nord-Sud, tout particulièrement des questions
de coopération et de développement.
L’originalité de son approche est de mêler réflexion théorique et longs séjours
de terrain. Il a ainsi enseigné pendant une dizaine d’années en Mauritanie (ENA
et faculté de droit de Nouakchott), Turquie (Université de Galatasaray) et Biélorussie (faculté
franco-biélorusse de science politique).
Maitre de conférences au département
de science politique de la Sorbonne (Paris1), Philipe
Marchesin est un ancien professeur de l’ENA de Nouakchott de 1983 à
1987, durant son séjour en Mauritanie son travail de thèse s’est appuyé sur la
fréquentation assidue des archives où il s’est rendu quasi quotidiennement
pendant deux ans. La thèse était également basée sur une enquête concernant les
catégories dirigeantes pour laquelle le concours d’étudiants de l’ENA et
de l’université (notamment Diop Mamoudou, Ba Yacouba Aboubacry et tout
particulièrement Abdel Nasser Ould Ethmane Sid Ahmed Yessa) a été déterminant.
Il s’est également entretenu avec plusieurs scientifiques (entre autres Mohamed
Ould Sidia) et acteurs politiques mauritaniens.
Son séjour s’est terminé un peu plus
tôt que prévu après la soutenance du mémoire d’Abdel Nasser Yessa sur
l’opposition politique en Mauritanie. Les autorités mauritaniennes et
françaises lui ont reproché d’avoir dirigé un travail qui comportait en annexe
des tracts de certains mouvements politiques interdits (notamment le manifeste
du négro-mauritanien opprimé). Ce texte avait conduit les personnes qui le
possédaient en prison. On lui a donc trouvé très rapidement un billet d’avion
pour quitter la Mauritanie et, le jour de son départ, l’ambassadeur de France
est venu à l’aéroport constater qu’il quittait bien le pays.
C’était une période très
intéressante pour Marchesin où l’on sentait les prémices de ce qui allait
devenir le printemps démocratique africain à partir du discours de la Baule et
des conférences nationales. Son intention était de s’inscrire dans ce mouvement
et surtout de contribuer à libérer la parole et exposer la réalité des choses.
Sur le plan anecdotique, Monsieur Marchesin se souvient avoir reçu quantité de
témoignages positifs dans la rue juste après cette affaire. Il sentait bien que
les gens étaient demandeurs de plus de transparence et de participation
Mohamed Ould Bouleiba
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